lundi 15 février 2010

Est-ce que j'exerce un métier d'homme (suite et fin ?)



Est-ce que la manière dont j'élabore mon champagne est influencé par le fait que je suis une femme ? Certainement, c'est inévitable.

Mon Champagne est certainement marqué par ce que je suis : une femme, une mère, un ingénieur, la fille de mes parents, la soeur de mon frère, quelqu'un qui aime le vin, qui aime cuisiner, qui aime créer, quelqu'un un peu stressée, un peu stressante ...

Chaque année au printemps, les bourgeons sortent, un jour ils ne sont pas là, et quelques jours plus tard ils sont là. Personnellement, ce spectacle ne cesse de m'émerveiller. Je suis très cartésienne, et je sais bien que tout ceci s'explique par des réactions biochimiques, mais au demeurant je trouve ça absolument magique, cette renaissance éternelle.
Un homme (mon père par exemple), aura une approche beaucoup plus pragmatique, il va simplement constater que les bourgeons sont sortis et évaluer ce que ça implique, en terme de lutte contre les maladie, etc. Mais il y a certainement une forme de pudeur aussi, je vois mal un vigneron s'extasier devant les bourgeons devant ses collègues. Ce serait un peu comme un footballeur faire de la pub pour du mascara. Je crois qu'il se ferait un peu foutre de sa gueule.

Mais ça n'a pas vraiment d'influence sur la manière dont je fais pousser mes raisins (quoi que).
En revanche, dans la fabrication du champagne à proprement parler (après les vendanges), là je crois que chacun a vraiment les moyens de s'exprimer.

Je crois que certains vignerons ne sont pas vraiment intéressés par ce processus de création. Chez certains, c'est l'oenologue qui fait le champagne : hop! un coup de poudre de perlimpinpin, turlututu chapeau pointu, une filtration bien serrée mise en bouteille au 15 janvier et voilà ! Je peux comprendre ça, je peux comprendre que le travail du vin ne passionne pas, qu'il effraie même. Car au final, faire du vin, c'est aussi prendre le risque de faire du mauvais vin, et devant cette affirmation, on peut décider d'aller au plus sûr. Et le plus sûr, c'est de suivre les conseils d'un oenologue dont le métier est de faire un champagne sans risque.

Ce dont je suis sûre, c'est que je fais du Champagne (presque) comme mon père m'a appris à le faire. C'est-à-dire en fait, que je le laisse pratiquement se faire tout seul. Pas d'adjuvant, pas de filtration, pas de collage.
Pas par un attachement irraisonné pour la tradition, pas parce que j'ai peur de mettre les pieds dans le plat de l'envoyer bouler (ceux qui me connaissent dans la vraie vie savent que ça, ça ne me fait pas peur).
Simplement parce que d'un point de vue intellectuel, il y a un côté satisfaisant à laisser les choses se faire, et il a aussi une certaine honnêté, le respect du terroir qui recouvre le respect de ses consommateurs (parce que vendre un champagne de vigneron fabriqué comme dans une usine, quelque part ça me générait).
Et puis surtout, je pense que les champagnes de mon père sont justes les meilleurs champagnes du monde (voire de l'univers).

1 commentaire:

souslesmots a dit…

Je comprends tout à fait ce que tu dis dans la fin de ta note, sur le fait de laisser les choses se faire, et je suis encore plus curieuse, il y a des mots mystérieux dans ta note ..prometteurs de secrets et de magie :)